Par Adeline Guerra

Dans ce livre, dont le titre fait référence au premier voyage de Renaud Girard au Pakistan en 1986, le reporter de guerre du Figaro vous fait voyager. Il vous amène dans certains des lieux les plus sombres et les plus dangereux du Pakistan et de l’Afghanistan, en passant par la Tchétchénie, le Rwanda et un Sarajevo assiégé. Il vous fait vivre l’incertitude, parfois la peur et les risques du métier de journaliste. Il vous fait rêver.

Car bien que le métier de correspondant de guerre ne soit pas réservé à tous, il fait briller les yeux lorsque le journaliste cherche à se trouver aux premiers rangs du conflit. Il y a là plusieurs raisons : le besoin de connaître la réalité et la vérité du conflit, celui de s’approcher des acteurs et de converser avec eux, mais on trouve également ce besoin de comprendre comment un peuple, des tribus, des clans, des hommes en somme, ont pu à un moment donné, se retrouver dans une confrontation sanglante.

Pourquoi s’entretuent-ils ? Pourquoi l’OTAN s’empêtre depuis dix ans en Afghanistan ? Tant de questions qui trouvent réponses dans un récit qui prouve que le journalisme rigoureux et professionnel, celui qui s’aventure là où personne n’est censé pouvoir aller, et qui s’apparente par moment à un travail de renseignements, c’est ce journalisme qui rend ses lettres de noblesse à une profession parfois décriée.

Retour à Peshawar revient également sur l’essentiel qui est souvent oublié lorsqu’on lit la presse internationale ou française, à savoir les hommes et leurs témoignages. Lorsqu’il s’agit d’évoquer l’échec de la stratégie militaire occidentale en Afghanistan, la culture du pavot et le narcotrafic constituent une clé d’analyse majeure. Représentant 93% de la production illicite mondiale d’opium (chiffre UNDOC 2011), le pavot est source d’enrichissement et moteur de criminalité dans les provinces de l’Ouest, du sud-est et du nord-est de l’Afghanistan. Pour plusieurs millions d’Afghans, il est un moyen de survie dans un pays connaissant la guerre depuis trente ans et dont les terres ayant subi les dommages de la destruction sont difficilement cultivables ou irrigables.

La question de la sortie d’Afghanistan n’est plus vraiment un sujet de débat. C’est l’Afghanistan d’après 2014 que chacun attend de voir, avec pour peur légitime, celle d’une nouvelle guerre civile et la fin de la présidence Karzaï.

L’échec de la Réforme du Secteur de la Sécurité, une tentative de reconstruction, de gouvernance et de développement par les mêmes acteurs ayant débuté et étant parties au conflit en allant jusqu’à la prolongation d’une guerre dont la stratégie a été repensée plusieurs fois en cours de route, l’intervention en Afghanistan ne cesse de fasciner par les contradictions et les erreurs qu’elle a engendrées.

Peu de personnes se seraient doutées que l’Afghanistan deviendrait un élément stratégique de la sécurité internationale au début de vingt et unième siècle et encore moins l’un des facteurs déterminants du futur de la puissance américaine. De guerre oubliée à partir de 2002-2003 à une guerre achevée avec l’élimination de ben Laden en mai 2011, les troupes sont sur le départ. Reste que les talibans ne sont plus les mêmes que ceux que les troupes de l’Alliance du Nord puis celles des Etats-Unis et de l’OTAN ont chassées fin 2001.

Avec un chef d’Etat dont la légitimité et l’assise politique seront fragilisées sans soutien occidental présent sur le terrain, il en va également d’un possible regain de conflictualité entre l’Inde et le Pakistan si le président Karzai, ayant des affinités indiennes, viendrait à être renversé.

Toujours est-il que nous ne sommes pas encore en 2014 et que malgré le pessimisme général sur l’état du cimetière des empires, certains projets de développement ont été bénéfiques au pays. Reste à espérer que les talibans ne réserveront pas le même traitement aux nouvelles écoles et autres infrastructures, que celui donné aux bouddhas de Bamyan.

C’est justement sur une note positive que se termine Retour à Peshawar, avec pour envie celle de connaître la suite et de savoir comment ces mêmes hommes issus de nombreux conflits parviendront à gérer un pays dont l’ingérence internationale n’aura pas changé les mœurs, sinon le paysage.

Retour à Peshawar de Renaud Girard, Editions Grasset, 2010

Cet article a été publié pour la première fois dans l’édition Web du Paris Globalist en 2012.